BRIGITTE (sainte)

BRIGITTE (sainte)
BRIGITTE (sainte)

BRIGITTE sainte, BIRGITTA PERSSON (1303 env.-1373)

Birgitta Persson est née en Suède, près de Norrtälje, dans une illustre famille. Son père, Birger Persson, était gouverneur de la province d’Uppland; sa mère appartenait à la famille régnante des Folkung. Dès son enfance, Birgitta fut habitée de songes mystiques. Lui apparut, en particulier, le Christ en croix, vision qui devait orienter sa vie. Mariée à quatorze ans, pour des raisons politiques, à Ulf Gudmarsson qui devint gouverneur de la province de Närike en 1330, elle habita à Ulvåsa en Östergotland. Elle eut d’Ulf huit enfants, dont Catherine, qui jouit depuis 1842 d’un culte autorisé par le pape Sixte IV, bien qu’elle n’ait pas été canonisée. Femme d’une grande piété, mère chrétienne modèle, Birgitta se lia avec ceux qui devaient devenir ses guides spirituels, ses conseillers et ses biographes: son confesseur, maître Mathias, chanoine de Linköping dont on connaît un commentaire de l’Apocalypse; Nicolaüs Hermansson, évêque de Linköping; le prieur Pierre d’Alvastra et Pierre de Skenninge, prieur du couvent de l’Esprit-Saint. Elle se rendit bientôt à la cour du roi Magnus Eriksson qui avait épousé Blanche de Namur en 1335, vraisemblablement pour y être grande maîtresse de la cour. De 1341 à 1343, elle mit à exécution son rêve le plus cher et entreprit avec son mari un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, en passant par l’Allemagne et la France. Cela lui permit de prendre connaissance des très graves problèmes politiques de l’heure: guerre de Cent Ans, luttes entre la papauté et l’empereur, exil des papes à Avignon. Sur le chemin du retour, Ulf tomba gravement malade. Les époux y virent un avertissement divin; dès son arrivée en Suède, Ulf se retira au couvent d’Alvastra, où il mourut en 1344, sans avoir eu le temps de prononcer ses vœux.

C’est peu de temps après ce décès que Brigitte a sa première révélation. Le Christ lui apparaît et lui dit: «Tu es mon épouse et ma médiatrice auprès des hommes. Tu vas entendre et voir les vérités spirituelles et mon esprit sera avec toi jusqu’à ton dernier jour.» Dès lors, son destin est tracé. Elle s’astreint à une vie de méditations, de rudes macérations et de prières. Extases et révélations se succèdent. Une commission chargée de les examiner conclut à leur caractère divin. L’une de ces révélations lui conseille de créer un nouvel ordre religieux. Elle va jeter toute son énergie débordante dans cette entreprise. Dès 1346, le roi Magnus mourant lui lègue d’importantes richesses, dont le domaine de Vadstena, où les Brigittins s’installeront plus tard. Et c’est pour obtenir de la curie la reconnaissance de cet ordre qu’elle s’en va à Rome, en 1349, accompagnée de son fils Birger et de ses confesseurs, Pierre d’Alvastra et Pierre de Skenninge. Elle y restera vingt-trois ans, partageant son temps entre l’étude, les méditations, les pèlerinages, les œuvres pies et les démarches de tous ordres pour convaincre la hiérarchie du bien-fondé de ses desseins ou pour adjurer le pape de remplir les missions que lui soufflent ses «révélations». En 1370, elle finit par arracher, non pas la reconnaissance de son ordre, pour lequel elle a déjà rédigé la Regula Sancti Salvatoris , mais la permission de fonder à Vadstena un couvent mixte d’augustins. En 1372, elle se rend, toujours sur ordre de ses révélations, en Terre sainte. Son fils, Birger, y sera fait chevalier du Saint-Sépulcre. Elle rentre à Rome, pour y mourir, le 23 juillet 1373. Ses restes sont transportés à Vadstena en 1374. Peu après, elle est canonisée par Boniface IX, le 7 octobre 1391.

Les huit livres des Révélations de Brigitte, dont la première édition, en latin, date de 1492, sont une œuvre étonnante. Au nombre d’environ six cents, les révélations sont consignées en latin pour la plus grande part, quelques-unes en vieux suédois. C’est dans cette dernière langue qu’elle les dictait à ses confesseurs, qui les tournaient en latin, tandis que deux théologiens, maître Mathias, puis l’évêque espagnol Alfonso de Jaén, les expurgeaient. Les Révélations comprennent: des visions évangéliques proprement dites, qui attestent en Brigitte une lectrice des Vitae Patrum et des Dialogues de saint Grégoire et ne tranchent guère sur la littérature mystique de l’époque; des prières, où un ardent amour, presque sensuel du Christ, s’exprime en formules d’une intensité passionnée; des détails pratiques sur l’organisation de son ordre, où perce la femme de tête volontiers despotique, la grande dame habituée à régenter les cours royales; et, surtout, un ensemble saisissant d’anathèmes et de prophéties d’une sombre grandeur, d’une violence et d’une beauté surprenantes. On la voit alors intervenir avec feu dans les luttes de l’époque, concevoir une réforme de l’Église, s’élever avec indignation contre la captivité des papes à Avignon, faire de vifs reproches au pape Clément VI pour sa mollesse à intervenir entre France et Angleterre dans la guerre de Cent Ans, fulminer de noirs avertissements aux princes européens et aux ennemis de l’Église.

Paradoxalement, cette femme extraordinaire était peu cultivée. Il s’ensuit que ses idées ne sont pas nouvelles. Mais c’est à la femme elle-même et à la sainte que va notre intérêt. La femme est ambitieuse, consciente du sang qu’elle porte, on l’imagine assez peu accommodante. Mais quel regard sur la vie! Un style vigoureux, émaillé de splendides images concrètes jusqu’à choquer dans ce contexte, un réalisme impérieux, une ardeur de charité qui transparaît jusque dans la phrase dressent sous nos yeux la rude statue, non d’une mystique transie, mais, en quelque sorte, d’un prophète selon l’Ancien Testament. Son imagination emportée rend compte d’une force visionnaire rare; la profondeur de ses sentiments transmue ses effusions en une dévorante passion. C’est là son originalité: la poésie, au sens fort du terme, soulève le texte. Ses Révélations sont d’abord des poèmes spirituels, souvent grandioses, rarement indifférents, qu’une vive fantaisie sauve presque toujours du convenu.

Et puis, soudain, au détour d’une sentence enflammée ou d’une invective sombre, éclate chez cette Scandinave l’image naturelle, intimement sentie, fraîche et claire: «Mon corps est une pouliche indomptée et mon cœur est comme l’oiseau sauvage de la forêt.»

Encyclopédie Universelle. 2012.

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